Morts en colonne


LES COLONNES

 

 

L'inscription "morts en colonne" est gravée sur le monuments au mort de Rousies. En connaissez-vous la signification?

 

L'autorité militaire allemande n'ayant pu se procurer des ouvriers de bonne volonté, opèrent des levées forcées qui ont commencé le 19 octobre 1916. Ce jours là, 600 maubeugeois ont été emmenés en colonnes. Depuis, des milliers de travailleurs ont été pris, parmi les chômeurs d'abord, puis, dans toutes les classes sans distinction de rang ni d'occupation. La nuit du 10 décembre 1916, les sergents de ville ont porté à domicile 300 convocations, et les recrues, ayant à peine le temps de se préparer les vêtements et vivres indispensables, durent se rendre à 8 heures sur l'esplanade de Maubeuge.

 

Les déportés sont dirigés vers le front français où ils défrichent des bois, creusent des tranchées, établissent des voies de chemin de fer, des baraquements, etc.

 

Quelques uns, épuisés, malades ou à bout de résistance, ayant signé un engagement dans les usines du pays, sont revenus.

 

Employés dans les zones de feu, ils y sont souvent blessés ou tués par nos propres obus (1). Ceux qui ont été conduits à Croix-Fonsomme ont trouvé d'abord assistance auprès de la population; puis ils ont été isolés dans une ferme cernée de fils de fer et ont dû se contenter de vivre fournis par leurs geôliers et se tirer d'affaire avec un salaire de 0f35 par jour.

 

Les colonnes envoyées à Moeuvres, dans le Cambrésis, eurent un sort plus affreux; au départ elles comptaient 2500 hommes venus de tout le canton de Maubeuge, et qu'on voulut occuper à des voies pour le transport de munitions. La plupart s'y refusèrent, et leurs gardiens devinrent des bourreaux. On les rua de coups, on les fit stationner des journées entières, nus dans la neige, sous une brise glacée, on les enferma dans des étables à porcs, sans nourriture, pendant plusieurs jours. Blessés, insultés, mourant de faim, les uns cédèrent à la force; d'autres durent être évacués sur des hôpitaux ou revinrent chez eux à tout jamais infirmes. enfin, beaucoup moururent. Pour combler les vides, on fit une nouvelle levée d'hommes qui subirent le même régime: logés dans des maisons en ruine, sans lumière et sans feu, couchés sur de la paille pourrie, nourris d'une soupe, infecte mixture de betteraves, de choux-navets et de fruits, d'un pain pour trois hommes, et d'un peu de café matin et soir, un rond de cervelas tous les 4 jours.

 

C'est une plainte des dépotés de Moeuvres qui, transmise en janvier 1919 avec un rapport circonstancié par MM Georges Tournoux, Daniel Vincent et Debierre à MM Clémenceau, président du conseil, et Larnaude, qui provoqua l'inscription à l'annexe I du traité de Versailles de réparations en faveur des hommes déportés en colonnes de travail forcé.

 

 

(1) le 30 mai 1917, une colonne était occupée à Beaumont bombardé par les Anglais; un obus tua 6 français, et en blessa 7. Parmi les morts se trouvait Maurice Gille, domestique chez M. Lhonneur, ingénieur à l'usine Delattre, et M. Piette, de Sars-Poteries.

 

(Journal d'un bourgeois de Maubeuge G Dubut)